Jean-Claude Biraud, sa méthode

Faire connaissance : une vidéo où Jean-Claude Biraud parle de son itinéraire, sa non-voyance, ses années de kinésithérapeute, puis sa découverte des fréquences…

«La kiné par les fréquences», cette vidéo à propos de sa méthode a été réalisée à Damvix, marais poitevin, chez Jean-Claude Biraud, le 20 août 2020, lors de la parution de son livre Être, énergie, fréquences.

On trouvera aussi sur ce site :

• Jean-Claude Biraud, son introduction au livre Être, énergie, fréquences;

• «Jean-Claude Biraud, portrait de loin», par François Bon, postface au livre Être, énergie, fréquences;

• un répertoire des praticiens formés par Jean-Claude Biraud et sa méthode, dans les différentes régions de France (à venir).

• lien et contact : nous envoyer un e-mail (la non-voyance de J-C imposera probablement un délai entre votre envoi et sa réponse, merci d’en tenir compte). Un rendez-vous téléphonique pourra éventuellement alors être ménagé.

«Être, énergie, fréquences», une introduction

l’introduction au livre de Jean-Claude Biraud sur sa méthode

Corps, fréquence et énergie…

Il m’aura fallu du temps pour faire le lien entre ces trois notions fondamentales. Je compare souvent la vie à un torrent parsemé de rochers au bout duquel il y aurait une grande chute. Si l’on ne saisit pas les bonnes opportunités, la vie alors devient terne, lisse et finit inexorablement par la chute. Tout au long de ma carrière, j’ai toujours su m’arrêter sur les bons rochers et toujours su écouter et apprendre des autres. J’ai ainsi pu donner un sens à ma vie qui est devenue passionnante.

Issu d’une famille de scientifiques, je me suis toujours posé des questions sur tout et j’ai toujours essayé de comprendre le pourquoi du comment. Mes études et ma pratique en kinésithérapie ne m’ont pas aidé à comprendre la nature et le fonctionnement de l’être humain. Soigner est une chose, mais comprendre l’origine d’une pathologie en est une autre. J’ai donc passé ma carrière à découvrir, comprendre et prendre en charge l’origine des pathologies.

La première chance que j’ai eue, aggravant une partie de ma vie, mais m’aidant à la comprendre — est d’être devenu progressivement non-voyant. J’ai appris être atteint d’une dégénérescence de rétine, ou rétinite pigmentaire à l’âge de dix-sept ans. Celle-ci allait conduire à un silence choroïdien total dans les années futures. J’ai été privé de lecture très rapidement après mes études. Lire une revue ou un livre confortablement installé dans un fauteuil m’était devenu impossible. Pour toute transmission d’information, je me suis retrouvé dans l’obligation de contacter d’autres thérapeutes et d’échanger avec eux. Petit à petit cette obligation est devenue un réel plaisir.

Lorsqu’on entre dans une librairie, on peut se retrouver perdu devant le grand nombre de livres mis à notre disposition. Lequel choisir ? Biomécanique, médecine chinoise, neurologie… En début de carrière et sans expérience le choix s’avère difficile. On le fait au « p’tit bonheur la chance ».

Les rencontres avec d’autres professionnels se sont progressivement faites tout au long de ma carrière de manière naturelle en tenant compte de l’avancée de mes connaissances. À plusieurs reprises, il m’est arrivé de recevoir des informations importantes auxquelles je n’avais pas prêté attention. Mais quelques années plus tard, ma méthode de traitement ayant évolué, celles-ci, laissées provisoirement de côté, ont retrouvé leur place.

Quand je recevais des stagiaires, en vue d’une formation, je comparais souvent ma carrière et ma méthode à un puzzle. Au début, il est assez aisé de trouver les premières pièces comme les bords et les coins, mais au fur et à mesure, la réalisation du puzzle devient plus lente et difficile. La petitesse de la pièce à placer jure avec la grandeur du vide à remplir. Au moment de commencer ce livre, mon puzzle est bien avancé même s’il reste des trous à combler. Au vu de la complexité de l’être humain et de ses pathologies, il restera toujours quelques vides.

Très vite après avoir ouvert mon cabinet, un jeune médecin m’a rendu visite. Animé par une curiosité naturelle, il est venu me rencontrer et discuter autour de mes techniques et les façons dont j’envisageais ma profession. C’était peut-être un signe de mon destin sachant que d’habitude ce sont plutôt les kinésithérapeutes qui vont à la rencontre des médecins. Il m’a suggéré d’acheter le Précis d’acupuncture chinoise, de l’université de Pékin. Mon épouse Pauline m’en a fait la lecture. J’y ai trouvé de l’intérêt, mais ces informations sont restées sur les pages du livre. Je n’étais semble-t-il pas assez mûr pour intégrer ces connaissances à mon savoir de l’époque — c’était bien trop loin de ce qu’on m’avait appris à l’école. En échange, j’ai conseillé à ce médecin de lire Le corps entre les mains, une nouvelle approche de la kinésithérapie de Boris Dolto (et de même pour lui, qui un jour l’a oublié sur sa boîte aux lettres et l’a perdu).

À peine quelques semaines plus tard, le même médecin m’a conseillé de rendre visite à un podologue qui sortait des sentiers battus. Aussitôt dit, aussitôt fait. Je lui ai adressé une patiente et j’ai naturellement assisté à la consultation. Sur le moment, je n’ai pas perçu toutes les finesses de son bilan. Le vocabulaire utilisé, c’était pour moi autant de termes nouveaux — en tout cas il me restait étranger. J’ai senti néanmoins que sa démarche était cohérente. Ce jour-là, la porte du monde de la posture s’est ouverte à mes yeux.

Au début de ma carrière, j’avais la patientèle habituelle d’un cabinet de kinésithérapie, mais j’ai travaillé pendant quatre ans à mi-temps, en hôpital, dans un service de chirurgie vasculaire, artérites, amputations, puis deux ans dans un centre de rééducation pour enfants handicapés sensoriels et moteurs, une pratique traditionnelle, mais qui peu à peu me sortait de l’ordinaire.

En 1984, on m’a demandé d’assurer le suivi de sportifs dans le cadre de l’Office des sports de ma ville et du centre médico-sportif qui lui était rattaché, et progressivement, entré au CREPS de Reims, j’ai été amené à soigner des athlètes et à utiliser des appareils d’électrothérapie. À l’époque c’était très balbutiant, ça ne m’avait pas réconcilié avec ces appareils, découverts à l’école, mais avec réticence. C’est en prolongement de cette première expérience que je suis devenu, pendant neuf ans, un des kinés du tournoi de Roland-Garros : cela m’a conforté dans mon image de kiné du sport. Et soigner des gens très connus m’a appris à affirmer mon naturel professionnel.

Dans les années 1990, après avoir découvert l’action des muscles en position verticale, j’ai couramment utilisé l’électrothérapie pour corriger des défauts posturaux. Je me suis vite aperçu que la correction obtenue après cette stimulation restait mémorisée dans le temps. J’ai donc établi un lien direct entre la stimulation, support d’une fréquence, et la mémorisation d’une correction. Ce travail a fait l’objet d’une publication dans une revue internationale de médecine en 2004, Clinical Biomechanics, ayant pour objet l’étude des répercussions baropodométriques (la prise d’empreinte plantaire des pieds sur des capteurs de pression et leur répartition) d’une contraction électro-stimulée de l’abducteur du gros orteil.

L’année suivante, un stagiaire de mon cabinet, formé à la kiné en Allemagne et féru de médecine chinoise, m’a ouvert les yeux sur cette médecine. C’est ainsi que j’ai progressivement commencé d’étudier l’influence de l’énergie des organes sur la posture. Petit à petit, j’ai pris conscience que l’énergie étudiée par la médecine chinoise était gérée par l’axe hypophyso-hypothalamique, ou système neuro-végétatif, alors qu’il existe d’autres systèmes dans le cerveau pour gérer l’énergie des organes.

Grâce à un ergothérapeute rencontré en Suisse lors d’un congrès, possédant une bibliothèque bien fournie en livres de neurologie, j’ai commencé à m’intéresser de plus près à ce rôle du cerveau. Et
notamment par les livres du docteur Bourdiol, qui formait ses élèves sous réserve de confidentialité, lui aussi parti de la posture pour s’intéresser à la médecine chinoise puis à la neurologie. Livres malheureusement plus édités à ce jour, qui m’ont permis de découvrir progressivement différents centres neurologiques gérant l’énergie des organes. J’ai aussi découvert le travail d’un autre précurseur fabuleux, le docteur Nogier, qui a passé une partie de sa vie à explorer les différentes fréquences propres à chacun des systèmes qui composent notre corps. Un vocabulaire que je connaissais par l’électrothérapie, mais sur un échantillonnage de fréquences très limité. Les fréquences évoquées par Nogier n’étaient d’ailleurs pas reproductibles par les appareils que je possédais.

Si l’on se réfère à la médecine chinoise, les émotions sont directement liées au dérèglement de chaque organe. Ces émotions sont la conséquence de stress. Ayant beaucoup échangé avec des psychiatres, psychanalystes et psychologues, leurs pratiques associées à mon savoir-faire m’ont aidé à mettre au point une prise en charge du psychique lié au somatique et inversement. Il n’est pas question de traiter un problème psychologique sans prendre en charge le problème somatique et inversement.

Un jour pas comme les autres, sans préméditation, j’ai commencé à m’interroger sur le rôle de l’interaction entre notre conscient et notre inconscient. Une étincelle de départ, et peu importe si ensuite cela met un an, quatre ans, quinze ans pour arriver au but. J’ai eu la chance de recevoir en formation un podologue féru d’hypnose. J’ai alors compris que les techniques d’hypnose pouvaient aider et consolider une guérison. Dès lors, comme je l’expliquerai plus tard dans cet ouvrage, la prise en charge du seuil liminal entre notre conscient et notre inconscient est devenue un élément essentiel de ma méthode.

Méthode ? Lors d’une visite chez mon successeur, il m’a présenté à un de ses patients comme son professeur. Le patient a alors répondu : « Ah, alors c’est vous le monsieur de la méthode ? » Cette question m’a fait tout drôle. C’est ainsi que sur des conseils d’amis, j’ai accepté de prendre le risque d’écrire cet ouvrage.

Il m’aura fallu une trentaine d’années pour mettre au point une méthode cartésienne et cohérente. L’ensemble des professionnels avec lesquels j’ai échangé tout au long de ma carrière étaient tous aussi passionnés les uns que les autres. Si je dois être fier de ce que j’ai fait, ce serait surtout d’avoir réussi à faire le lien entre toutes ces techniques. Lorsque je dois expliquer ma méthode auprès de professionnels ou de patients, je compare souvent ma technique à un sapin. À l’occasion des fêtes de Noël, ils doivent être décorés. Chaque guirlande contribue au résultat, et cela illustre parfaitement l’ensemble des techniques précédemment décrites. De ces guirlandes, je ne connais que leurs attaches et éventuellement le début de leur trajet, mais en aucun cas le milieu. Une guirlande seule dans sa boîte n’a pas d’intérêt, mais, une fois sur le sapin, elle va briller de ses mille feux. Plus il y a de guirlandes, plus c’est joli. Lorsque je discute avec un professionnel, il n’est pas rare qu’une réflexion de sa part soudain m’illumine. Cette réflexion peut devenir une boule qui complètera la décoration de mon sapin.

Amoureux du Jura, d’où est originaire Paul-Émile Victor, j’ai pu visiter le musée des expéditions polaires de Prémanon. En sortant du musée, j’ai retenu cette réflexion de Paul-Émile Victor : « Il faut être sérieux, mais ne jamais se prendre au sérieux ». J’ai très vite senti que cette citation me collait à la peau. En trente ans, je n’aurais jamais imaginé mettre au point une méthode.

J’espère que ce livre aidera mes patients à mieux comprendre leur corps et l’origine de leur pathologie. J’espère que chaque professionnel y retrouvera une partie de son savoir et que curiosité oblige, ils auront envie d’aller plus loin dans leur pratique comme j’ai pu le faire pendant toutes ces années. Soulager et soigner est une joie, mais réussir à guérir tient du miracle.

Guérir donne un sens à sa vie.

Jean-Claude Biraud, portrait de loin

par François Bon – cette postface au live Être, énergie, fréquences, a été publiée initialement sur le site Tiers Livre.

UNE MEME MAISON grand-paternelle, son jardin, ses greniers, le labyrinthe de ses conches et rivières du marais poitevin, bien avant l’âge touristique. Pays habité, pays de tradition aussi, où parler aux morts n’est pas une aberration notable.

Pourtant à égalité d’âge, deux enfances symétriques : ils étaient les cousins de la ville, le frère et la sœur, mais qui s’installaient pour toute la durée des vacances dans la vieille maison familiale, en savaient bien plus que nous, qui ne vivions qu’à l’autre bout du marais, plus près de la mer, mais dans un village bien semblable, et ne venions en visite chez ces grands-parents-là qu’une fois par mois, dans le lourd rituel du dimanche.

Mais on savait leur faire visiter aussi le petit garage automobile qui était notre terrain de jeu, ou aller nager dans les vagues : une enfance si banale, en somme, dans cette bascule des années cinquante, avec encore les ombres de deux guerres pas loin, et rien qui laisse pressentir les grandes furies qui allaient se saisir du monde.

Je crois que Jean-Claude et moi-même sommes profondément, malgré nous ou pas, enracinés dans cet avant, qu’il est ou a été aussi notre chance. La figure patriarcale d’Édouard Biraud, né en 1893, le père de Jean, côté Jean-Claude, et de Madeleine, du mien, y est tutélaire. Fils d’instituteur, marié à une fille d’instituteur, il sera à Verdun dans les batailles du front de la Première Guerre. Instituteur en monde rural, parce qu’il sait lire et écrire il y sera vaguemestre, avec la responsabilité d’un âne pour porter plis, colis et courriers dans la boue et la mort. Les futurs surréalistes, souvent étudiants en médecine, devront leur survie eux aussi à ces hasards : on les mettait brancardiers. J’ai le droit d’en parler : j’ai, dans mon tiroir des affaires secrètes, un petit carnet où le grand-père avait recopié à la main, de 1909 à 1914, ses poèmes préférés, où Verlaine tient la meilleure part. Le dernier poème recopié est de Victor Hugo, avec mention de la caserne de La Roche-sur-Yon où il est mobilisé, puis ensuite les pages sont déchirées. Je sais aussi que, lorsque dans l’armoire vitrée où étaient les livres et la collection de timbres-poste, j’ai découvert et lu son édition Larousse de Rabelais, il m’a dit qu’un ami du front, sachant qu’il venait de vers Fontenay-le-Comte, le lui avait offert. Il y avait aussi Balzac, et Perrochon, et Verlaine bien sûr. Moi, c’est à cette armoire vitrée que je tiens ma route. Dans le garage, de l’autre côté de la cloison, l’établi, les filets de pêche, et une trappe pour accéder à un grenier où l’instituteur agricole itinérant, ce qu’il avait été longtemps, avait accumulé tous les savoirs, conservait tous les objets : il m’a toujours semblé que Jean-Claude, qui tient de lui aussi son visage, avait trouvé sa route de ce côté-là.

Et puis ce coup de foudre, en tout cas ce que j’ai ressenti comme tel. C’était l’époque du lycée, en plein chamboulement de mai 68 : le monde s’ouvrait aux couleurs, aux voyages, au bruit insidieux de radio et télévision. Peut-être que c’était un coup de foudre pour moi (et Annick sa sœur, et Pierre, mon frère, mon autre frère et nos autres cousins étaient plus jeunes) encore plus que pour Jean-Claude : au moment même d’entrer en terminale, d’accéder à ce passeport pour l’indépendance, la lente sculpture du devenir, l’annonce qu’il allait irréversiblement et totalement perdre la vue.

Moi j’étais myope aussi, jamais les yeux n’ont été mon fort. Je crois que toute ma vie j’ai vécu, comme une ombre permanente, parallèle, la cécité de mon presque frère. Je me revois faire des exercices de marche dans le noir, ou comment ça pouvait être de jouer à colin-maillard dans le plus ordinaire et quotidien de la vie courante.

Jean-Claude voyait encore : et il me faut cette postface, là dans sa propre maison (et lui occupé à ses bateaux tout auprès) pour que j’ouvre en moi cette porte. Ce qu’il y avait de terrifiant dans cette maladie, comme le dernier regard de Michel Strogoff dans nos Jules Verne, c’est qu’elle s’annonçait comme inéluctable, que déjà le centre de la rétine était noir, mais que tout le reste de l’œil lui laissait encore pratiquer tous les excès qu’en pareil cas on veut pour soi-même. La course, le vélo, le bateau, comme un infini épuisement de soi-même qui était déjà sa marque.

Est-ce que je savais ce que je voulais ou pouvais faire, de quoi j’avais envie que soit pour moi la vie, en terminale ? Certes non. Pour Jean-Claude, c’était comme un exercice imposé : tu ne verras pas, donc tu seras kiné, parce que kiné on n’a pas besoin d’y voir. Cet oukase, on n’en a jamais parlé face à face, mais je crois qu’il résonne dans ce livre : ce qu’il faut de résistance intérieure, ou de dépassement, pour accepter à dix-sept ans (« On n’est pas sérieux à dix-sept ans », écrira au même âge le poète fugueur de Charleville) qu’on vous dessine une vie qui en rajoute encore sur la condamnation subie.

Et pourtant c’est ce qu’il a fait. Est-ce qu’on se voyait souvent ? Non. Est-ce qu’il y a eu une seule période de notre vie où nous ne nous soyons pas vus, dans la même densité, la même aventure d’enfance qui s’ouvre d’un claquement de doigts, comme lorsqu’il me soigne une contracture qu’il a lui-même fait apparaître, on l’a vérifié encore hier soir.

Je revois Jean-Claude étudiant à Paris, dans son école de kiné, la joie qu’il avait à la grande ville. D’accord, il portait ces lunettes fumées, disait que le monde passait progressivement en noir et blanc, mais que lui importait. Alors pour moi aussi c’était moins grave.

Moi j’ai erré, passé plusieurs années dans des routes de traverses, pas toutes gratifiantes. Lui, pendant ce temps, ouvrait un cabinet à Reims, tout en pratiquant ses soins à l’hôpital : oui, kiné c’était un métier comme un autre, mais ça semblait lui convenir.

Dès ce moment, je revois Pauline, comme si elle ne l’avait jamais quitté, depuis le lycée même. Que Pauline avait donc toujours été prévenue de la non-voyance de son amoureux. De ces années, et pour longtemps, ils deviennent indissociables dans le souvenir. Et les deux enfants qui naîtraient, un tout petit peu avant les miens. Et que la furie du garçon, champion de patinage de vitesse (aujourd’hui c’est la moto), mais qui partirait en tour du monde sur les destroyers de la marine, tenait bien de son double héritage, comme l’attirance pour la montagne, les longues aventures en ski de fond de sa sœur en étaient le versant symétrique.

Ce goût du sport comme un risque ou une limite à tout le temps rejoindre, cela m’est resté étranger, alors ça m’amusait de les voir : en tandem, en dériveur ou en kayak, ou le Jean-Claude partant faire le marathon de New York.

Souvenir d’un soir de brusque coup de vent sur la côte vendéenne, Jean-Claude parti sur une minuscule coque de noix, et que lui comme nous savait bien qu’à cinq cents mètres au large il n’était plus en possibilité de deviner la ligne du rivage. Au vent, oui. Mais quand il se met à souffler en désordre. Il ne revenait pas. Le soir tombait. Puis la nuit. On allait se décider à appeler les secours, dans les bourrasques la plage restait vide, et puis finalement il était de retour. Il n’avouait rien, mais on sentait bien qu’un mystère était là, qui ne concernait que lui et lui seul.

Paradoxalement, je crois que c’est cette même journée, ou le lendemain, que toute son image de kiné ordinaire s’est pour moi écroulée tout d’un bloc. On était dans ma maison d’enfance à moi, et dans le fond d’un placard il y avait un jouet, sous l’emblème Michelin, qui traînait là depuis des années : une sorte de portion de sphère en plastique bleu et rouge, sur laquelle on devait tenter de se tenir en équilibre. Et Jean-Claude de tomber fasciné, nous demandant l’autorisation de l’emporter : ça pouvait l’aider à soigner ses patients en guérison d’entorse. Ah bon.

Pourtant il le fut, et complètement, kiné. L’été, il nous racontait le tournoi de Roland-Garros vu depuis les coulisses, et comment ces stars qu’on voyait à la télévision se comportaient avec lui, une fois sur la table de massage. Puis l’aventure du stimulateur électrique, un simple boîtier portable et sa prise 220 volts, avec des électrodes au bout d’un fil. Dans le cabinet de Reims, les espaliers, les poids, élastiques et appareils relégués dans une pièce. Et, dans la petite salle où il soignait, juste de quoi s’asseoir, et lui devant. Il n’a jamais fait marche arrière.

Quant à voir, c’était bien fini (provisoirement peut-être, c’est évoqué dans le livre : il y a eu ce soir où il m’avait téléphoné en pleurant, parce qu’il venait de réapercevoir ses mains, et l’écriture du livre et son projet sont en partie venus de là). Jean-Claude, dans le monde non-voyant, les championnats handisport, les matériels qui facilitent la vie urbaine, s’est impliqué avec la même rage : comme si ce type-là ne s’était jamais appartenu lui-même.

Jean-Claude racontait maintenant ses rencontres avec des podologues, et tout le mystère qu’on pouvait remonter depuis la voûte plantaire. Ou ses rencontres avec des acupuncteurs, et tout le mystère que comportaient ces méridiens qu’il apprenait, là où ne savions rien. Sauf qu’il racontait aussi tellement d’histoires de soin : non pas le patient, ni la pathologie, mais ce qu’il avait appris.

Comment lui était apparu ce que depuis si longtemps il aurait dû {voir}, mais qu’il n’avait pas vu (le verbe voir a toujours été présent dans son vocabulaire). Je le revois une autre fois, un peu plus tard, dans cette période où avec Pauline ils partaient dans de longues expéditions avec leur petit camping-car Toyota, le tandem et les kayaks, un dériveur en remorque : c’était l’époque que nous, ses proches, appellerons « l’époque des petits scotches ». Ces rouleaux de scotch à pansement tout minces, qui se déchire entre deux doigts : un scotch ici, un scotch là. Tu te retrouvais avec six ou sept petits bouts de scotch sur le front ou le coude ou le bout du doigt, et qui aurait compris ou expliqué à quoi ça pouvait servir ? Simplement voilà, le résultat était là : guéri, plus mal. Les proches comme ces clients qui peu à peu se bousculaient pour ses services.

Ou cette manière qui lui est venue peu à peu de se passer même de cabinet : là, à Damvix, dans la maison familiale, il soignait. De passage chez tel ou tel, ou dans son Jura d’adoption, il soignait. Mais c’en était bien fini de ce qu’on nomme encore parfois « masseur-kinésithérapeute ». Il continue, paraît-il, dans ses formations ou pour certaines pathologies, d’utiliser les petits scotches. Mais c’était cette phase qui mènerait à ce que les gens qu’il forme nomment « méthode Biraud » qui s’ouvrait — le soin qui peut même s’exercer à distance.

Et comment nous-mêmes aurions pu le mettre en cause, quand il nous disait son propre étonnement à ce qui progressivement se révélait ? Un jour il me demande de trouver, en moi, l’image qui serait affectivement la plus dense, la plus profonde et nette émotionnellement. Je n’ai aucun mal à la trouver. Il me demande de la lui transmettre et qu’il va, lui, y déposer un objet. Je pose cette image sur la table, c’est ce qu’il m’a demandé de faire, puis je la reprends : on va créer, puis supprimer de nouveau, une douleur, un souvenir. Il y a maintenant plusieurs années que j’ai pu me familiariser avec ces éléments si mystérieux de soi-même, oh, juste une toute petite partie. J’en ai retrouvé témoignage dans des thèses et recherches très savantes sur le chamanisme sibérien ou amazonien, ou les pratiques de respiration telles que développées par le bouddhisme et même, mais plus universellement, dans les chemins du rêve, mais laissons : je m’en vais souvent rejoindre cette image intérieure, qu’il m’a aidé à faire naître, et parfois je l’y trouve assis qui m’attend. Ce n’est pas cela qu’on trouvera dans ce livre, mais certes le chemin que s’est ouvert lentement Jean-Claude n’est pas à son terme.

Il s’est voué à soigner, comprendre l’infinie complexité du corps, mais dans le but de soulager, affronter des pathologies qui restent si énigmatiques quant à ce qui les déclenche, et ce qu’il peut y avoir de si injuste quant à qui elles choisissent pour victimes. Du chemin intérieur qui y mène, il n’est que très peu fait mention ici : l’humilité des grands.

Alors, et nous sortons à peine de ce deuil, l’irréversible maladie de Pauline, sa compagne, la mère de Nicolas et Caroline, et qui a partagé avec lui l’ensemble de ce chemin. La petite maison de Reims bousculée pour l’accompagnement de cette maladie. La rage à la vaincre, et puis un jour, de retour à la maison familiale du marais poitevin, nous accompagnions Pauline pour un autre voyage : « les morts aussi émettent des fréquences » dira sous le grand ciel qui recouvrait la tombe un lutteur qui ne se résignait pas.

La maison des grands-parents, dans ce labyrinthe des marais qu’il parcourt sans jamais se tromper, un jour on a décidé (je crois, et sans en parler, comme d’une évidence), l’ensemble de la communauté familiale, qu’elle serait la maison de Jean-Claude. Aujourd’hui encore, il y reste des traces de l’enfance, des outils, et l’air même est celui qu’on a en partage, mais dans cette maison il voit.

C’est là qu’on a terminé ce livre qu’il a dicté, qu’ensemble on a relu et travaillé, puisqu’il m’a donné cette chance-là de l’y accompagner : le coup de foudre de nos dix-sept ans, il se résout dans cette paix, ou ces nouveaux mystères. Une vie selon son choix, et qui nous a donné à tous.